• Florence Burgat et Jean-Pierre Marguénaud sont respectivement rédactrice en chef et directeur de la Revue semestrielle de droit animalier.
    Ils ont publié un remarquable billet dans le quotidien Le Monde daté du 15 juillet sur la question de donner des droits à l'animal, droits fondamentaux qui permettraient de le protéger et de le soustraire d'un sytème d'exploitation aussi cruel qu'effrayant.
    Le voici : 
     

    "Les animaux ont-ils des droits ? Cette question, communément moquée et balayée d'un revers de main il y a peu, fait aujourd'hui partie des interrogations recevables, comme l'a montré récemment le 21e forum "Le Monde – Le Mans" intitulé "Qui sont les animaux ?".

    Qu'est-ce qui justifie que l'on fasse souffrir, de manière routinière, industrielle, et dans des proportions jamais atteintes, des milliards d'animaux terrestres et marins pour des bénéfices dont la légitimité et l'utilité sont au moins discutables ? Si l'on pense que les animaux n'ont pas de droits et qu'ils n'ont, somme toute, que ce qu'ils méritent, il faut s'en expliquer.

    Un grand pas vers l'explication est franchi lorsque beaucoup se sentent contraints d'étayer une position qui semblait jusque-là acquise, inébranlable, pour ne pas dire irréprochable : après tout, ce ne sont que des bêtes ; d'où il faut entendre que quand on agit contre l'intérêt des bêtes, on ne fait rien de vraiment mal, rien de vraiment grave. De cela, nous ne sommes peut-être pas absolument persuadés en notre âme et conscience, mais la collectivité ayant entériné les pratiques cruelles et massives contre les animaux, tout se passe comme si nous nous sentions individuellement justifiés d'en profiter, et donc innocents.

    Ce trouble que chacun ressent en songeant aux souffrances infligées aux animaux a du reste entraîné depuis longtemps ses premières conséquences juridiques sur le continent européen : en Angleterre par le Martin's Act, dès 1822, en France par la loi Grammont de 1850 punissant les mauvais traitements commis publiquement envers les animaux domestiques. Ces premiers pas étaient cependant bien timides, car la condition de publicité des actes commis tendait à protéger davantage la sensibilité des hommes auxquels le spectacle en était imposé que celle des animaux qui les subissaient. Sans doute la condition de publicité tombera-t-elle par le décret du 7 septembre 1959 pour les mauvais traitements et ne sera-t-elle pas reprise par le loi du 19 novembre 1963 qui institua le délit d'actes de cruauté. Cependant, aux côtés des souffrances inutilement infligées, c'est-à-dire non nécessitées par la finalité d'usages la plupart du temps générateurs de souffrance, il faut désormais songer à ces violences qui sont imputables au système d'exploitation.

    Si la cruauté contre les animaux n'a pas d'âge, quelque chose s'est emballé. Dans le même temps, l'invisibilité de la souffrance animale se fissure, l'évidence selon laquelle les bêtes ne sont bonnes qu'à être tuées semble, pour peu qu'on y réfléchisse, douteuse. Derrière le "produit" se profile parfois quelque chose que nous n'aimons pas voir. La torsion que subit le statut juridique des animaux traduit ce malaise. Le législateur européen prend des mesures de plus en plus nombreuses pour "protéger" les animaux et veiller à leur "bien-être", y compris et surtout au moment le plus paradoxal où on les mutile et où on les tue. La prédilection des législateurs pour un mot aussi fort que le "bien-être", visant à faire face à des situations où sa prise en compte confine à l'absurdité, reflète probablement pour une part le malaise inhérent à la justification implicite d'activités animalicides.

    La proposition de règlement du Conseil du 18 septembre 2008 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort en appelle d'ailleurs à la "prise en compte du bien-être des animaux" tout en enjoignant les exploitants "d'épargner au maximum la douleur, la détresse ou la souffrance aux animaux destinés à l'abattage". On découvrira une nouvelle dimension du paradoxe dans la Directive 93/119/CE du Conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort qui mentionne dans l'un de ses alinéas qu'il "est interdit d'assener des coups ou d'exercer des pressions aux endroits particulièrement sensibles. Il est en particulier interdit d'écraser, de tordre, voire de casser la queue des animaux ou de les saisir par les yeux. Les coups appliqués sans ménagement, notamment les coups de pied, sont interdits". Faut-il que ces actes fussent répandus pour qu'il ait été nécessaire de les noter aussi explicitement dans une directive !

    LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE

    Alors que certains scientifiques s'en remettrent au concept mécaniste de nociception, que d'autres admettent l'existence de douleurs "seulement physiques", le législateur européen, quant à lui, reconnaît aux animaux cette évidence, à savoir la capacité à souffrir, à être le sujet de leur douleur et à ressentir la souffrance psychique qu'est la détresse. En vérité, tout le monde sait cela. Pourtant, les animaux sont très exactement traités comme des matières premières dont les règles de transformation sont soigneusement décrites. Comment peut-on tranquillement reconnaître en même temps que les animaux sont profondément affectés par ce qui leur est fait, et en affirmer le caractère licite ? La légitimité de ces pratiques n'est-elle pas mise en question au cœur de leur réglementation ?

    S'il est vrai que les animaux demeurent versés du côté des biens, et à ce titre appropriables, ils bénéficient depuis le décret de 1959, la loi de 1963 (précités), la loi du 10 juillet 1976 – dont l'article 9 proclame que "Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce" – et le Code pénal entré en vigueur en 1994, d'une protection contre leur propriétaire lui-même. Désormais, le droit ne laisse plus le propriétaire disposer de sa chose comme bon lui semble lorsque cette chose est un animal. D'ailleurs cette prise en compte de l'intérêt propre de l'animal, être vivant et sensible, n'exprime-t-elle pas une forte résistance à sa classification dans la catégorie des choses ?

    Une ligne se dégage alors pour comprendre les raisons d'octroyer des droits aux animaux, par-delà les devoirs de l'homme à les utiliser le moins cruellement possible. A ceux qui considèrent que les avancées législatives en matière de protection des animaux, et plus encore l'idée de leur reconnaître des droits, comme une insulte à la misère humaine, il faut répondre que la misère humaine résulte de l'exploitation ou de l'indifférence à la souffrance des plus faibles et que c'est au contraire l'insulter, sinon la légitimer, que de prôner l'indifférence farouche à l'égard de la souffrance d'autres êtres plus faibles encore et qui ne peuvent jamais consentir. Il faut leur répondre que, dans la mesure où il ne suffit pas de rester indifférent à la souffrance des animaux pour soulager la misère humaine, la protection des animaux et celle des plus faibles des hommes relève du même et noble combat du Droit pour aider ceux à qui il peut être fait du mal, beaucoup de mal. Considérer les animaux comme des choses, c'est les maintenir dans la catégorie où on les avait enfermés à l'époque où la négation de leur sensibilité permettait de les exploiter pleinement.

    Nous estimons au contraire que tant sur le plan éthique que sur le plan juridique, dans le prolongement des idées avancées par René Demogue il y a plus d'un siècle, il est inacceptable de continuer à considérer les animaux comme des choses. On peut, certes, améliorer le sort des animaux sans leur accorder la personnalité juridique, et des progrès ont été accomplis en ce sens aussi bien en droit français qu'européen. Il semble cependant difficile de faire véritablement ressortir l'utilité de règles protectrices toujours plus nombreuses sans accorder aux animaux un statut qui leur reconnaisse la personnalité juridique et leur attribue techniquement des droits. De toute façon, dans ce domaine comme dans tout autre, les améliorations concrètes dépendent de l'interprétation des textes par le juge. Or, il ne fait guère de doute que les mêmes règles également protectrices ne seront pas interprétées dans un sens aussi favorable aux animaux dans un Etat continuant à les considérer comme des choses, toujours un peu viles, que dans un Etat les ayant déjà admis dans la catégorie des personnes titulaires de droits.


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  • anti_corrida_beziers_reduit


    Céret, Pyrénées-Orientales, c'est une commune qui sent vraiment pas bon, car très sale de l'âme.
    Ses habitants kiffent trop la tradition tauromachique. Dans le département, c'est nettement moins vrai. A ce titre, une pétition présentée par le FLAC 66 demandant l'abolition des corridas a déjà recueilli 22000 signatures.
    Le FLAC 66 , justement, était présent la semaine dernière dans les rues de Céret ou à l'entrée de l'arène pour protester contre la feria de sang 'Céret de toros'.
    Comme nos amis du COLBAC, du CRAC et de ONE VOICE.

    Lundi 11 juillet, sur les coups de 17h30, après avoir acheté leurs billets, 22 militants de ces deux dernières associations sont entrés dans l'enceinte de mort avec le dessein de déployer deux banderoles puis de sauter au centre de l'arène en s'enchaînant les uns les autres avec des menottes, méthode classique d'interposition non-violente.
    La vidéo qui montre l'action c'est ici :
    http://www.youtube.com/watch?gl=JP&hl=ja&v=rZjjWK4fq5g

    Mais ça c'est mal passé. Les aficionados, à l'égal des viandards, sont abrutis par le sang; ils ne pensent qu'à taper, foutre des gnons, se défouler à 10 contre 1 (c'est le rapport de force usuel dans la corrida, le matador n'affrontant qu'un toro diminué physiquement et psychologiquement) quand ils sont contrariés dans l'expression de leurs pulsions sadiques.

    Le service d'ordre, les valets de piste, les spectateurs, tous se sont mis à cogner ces militants courageux, les traînant au sol, déchirant chemises et T-shirts, bave aux lèvres.
    Une fois passés à tabac, les copains ont été éjectés de l'enceinte sans ménagement. Les flics ? Il n'y avait pas la queue d'un représentant des forces de l'ordre.
    Les cogneurs ont pu se lâcher, tu penses bien.

    A Céret, les penchants les plus vils s'épanouissent. Et n'oublions jamais qu'après s'être fait la main sur l'animal, l'homme s'occupe ensuite de son semblable. Il est devenu comme qui dirait 'insensibilisé'.

    Je trouve que ça fait peur...



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  • halalis_lolita

    Le Chat et le Soleil

    Le chat ouvrit les yeux,
    Le soleil y entra.
    Le chat ferma les yeux,
    Le soleil y resta.

    Voilà pourquoi, le soir,
    Quand le chat se réveille,
    J'aperçois dans le noir
    Deux morceaux de soleil.

    Maurice Carême
    (L'Arlequin)

     


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  • ACT_IMAGE_536_1278669124

    Un site chichement actualisé, un magazine dont la publication a été arrêtée, une implication sur les grands sujets et dans les mobilisations bien réduite, un recentrage sur les missions essentielles et historiques, tels sont aujourd'hui les effets des conflits qui ont agité la SPA depuis quelques temps.
    Pour qui s'intéresse un tant soit peu à la cause animale, la discrétion de cette association n'est pas une surprise; la nomination d'une administratrice provisoire à l'automne dernier y est pour quelque chose.
    A l'intention de ceux qui sont peinés, c'est mon cas, par cette situation, il convient de lire l'entretien accordé par la sympathique, volontaire et compétente Caroline Lanty, ex-présidente de la SPA, à Luce Lapin dans Charlie-Hebdo.
    Ne manquons pas de rappeler que Caroline Lanty a publié, il a quasiment un an, un livre malheureusement toujours d'actualité, "Le scandale de l"animal business" aux éditions du Rocher.

    Où en étais-je ? Ah oui... L'article en question c'est ici :
    http://www.charliehebdo.fr/refuges.html

    Et voici un extrait :

    "Présidente nationale de la Société protectrice des animaux de 2006 à 2008, Me Lanty, avocate, a été réélue à cette fonction le 14 novembre 2009. Cinq jours plus tard, il lui a fallu… rendre les clés (au sens propre). Une telle présidence éclair mérite l’inscription dans le Livre Guinness des records! Que s’est-il passé? Entretien, avec une présidente qui ne préside plus, sur la situation actuelle.

    Tout d’abord, une petite mise en condition: rappel historique de l’histoire de la SPA, et son évolution jusqu’à ce jour… par madame la Présidente!


    Créée initialement pour mettre fin aux mauvais traitements commis sur les chevaux dans les rues de Paris, la Société protectrice des animaux est née en 1845, à l’initiative du docteur Pariset, soutenue par Victor Hugo. Progressivement, elle est apparue comme l’association en charge des problèmes relatifs aux animaux et des abus et violences dont ils sont victimes.
    Son action est principalement connue par ses 57 refuges, grâce auxquels près de 40 000 animaux trouvent un nouveau foyer chaque année, ses 12 dispensaires, au sein desquels sont tous les ans pratiquées 120000 consultations vétérinaires au profit d’animaux de personnes disposant de faibles ressources. Mais la SPA, c’est aussi 1100 délégués-enquêteurs bénévoles qui réalisent les enquêtes de maltraitance sur tout le territoire national, 2000 bénévoles dans les refuges, une cellule anti-trafic unique en France pour dénoncer l’odieux commerce et élevage de l’animal de compagnie, 18 «clubs jeunes» pour sensibiliser les 11-17 ans à la protection animale. Bref, une grande fourmilière, ou un grand mammouth…


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  • P04_60954

    Alors que les lâchers de toros à Pamplona (Navarra) à l'occasion des fêtes de San Fermín génèrent quasi quotidiennement leurs lots de blessés divers (avec une belle récurrence pour les traumatismes crâniens), il n'est pas vain de revenir sur le succès notable de l'action du 04 juillet dernier.

    Nos amis des associations Anima Naturalis, Peta et Animal avait appelé à une manifestation (pour la 9ème année consécutive) dans les rues de cette capitale du sang tout en distribuant des flyers aux touristes qui croient toujours que le toro court dans les rues parce que ça lui dégourdit les papattes et que c'est trop de bonheur.
    Touristes irrécupérables, abrutis, amusés par cette tradition 'pittoresque' ou touristes un peu plus fûtés qui réalisent enfin qu'au terme du lâcher de toros, il y a l'arène et que ce faisant, l'animal ne galope pas mais il fuit (ou tente de fuir) un sort cruel et funeste que des cons lui ont réservé.
    Le jour où les touristes délaisseront cette ville de merde qui fait du supplice festif un fond de commerce, la corrida sera bonne à foutre dans la sciure de toilettes sèches.
    Mais en attendant, il convient de protester encore et toujours. A Nîmes comme à Bayonne, à Pamplona comme à Madrid.
    Sur la photo, les manifestants enduits de peintures rouge ou noire se sont allongés à terre pour figurer un toro.


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