• Contre la chorégraphie charognarde

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    Il faut croire que la direction de France 2 et Laurent Ruquier apprécient les pauvres tâches qui puent le pastis et qui  braillent dans les arènes, ces trépanés du bulbe qui bandent devant les glouglous de sang et le martyre d'une bestiole.
    Serait-ce le public qu'ils affectionnent ? Le coeur de cible des téléspectateurs ?
    Comment expliquer sinon le refus de cette chaîne d'inviter Christian Laborde à participer, le 25 avril, à l'émission On n'est pas couché ?

    Le Temps, lui, ne fait pas dans la lâcheté et la censure. Ce quotidien suisse réputé, indiscuté, a publié une longue critique au sujet du livre de Christian Laborde. On attend encore que Libération ou Le Monde en fassent autant. On va attendre longtemps, je suppose. Les menaces et les pressions du lobby tauromachique ont eu facilement raison de la couardise et de la déférence qui sont les principales caractéristiques de ces journalistes formatés dans le respect des puissants.

    Voici donc l'article en question.

    "Corrida, basta!, c’est avant tout une flamboyante déclaration d’amour. Celle d’un écrivain, Christian Laborde, qui enfant croisa le regard d’un taureau. Et qui, depuis, voue à l’espèce une admiration sincère, comme il admire cet autre «petit taureau» qu’était Claude Nougaro.
    Sur le chanteur – qui se disait son «frère de race» – Christian Laborde a écrit une virevoltante biographie, L’homme aux semelles de swing. Sur «le bel animal aux yeux bleu marine», il publie aujourd’hui un pamphlet réjouissant et salutaire. Le lyrisme y côtoie la colère, la gifle (pour les aficionados) y succède à la caresse (pour le taureau).

    La charge est d’autant plus efficace qu’elle se double d’une argumentation très documentée. L’auteur ne se contente pas en effet de dénoncer la cruauté, la vulgarité et les mensonges qui entourent la pratique de la corrida. Ni de poser des questions: «L’homme est-il encore un homme, un être de culture, un honnête homme quand il écorche, humilie, torture et tue un animal afin que jouisse la plus grande salope que la terre ait jamais portée: la foule?»

    Non, en bon enfant du Sud-Ouest, Christian Laborde connaît son sujet. Il en maîtrise l’histoire et les rituels. Et sait, non sans habilité, tirer profit des propos des adeptes de la corrida pour appuyer sa démonstration. C’est en les saisissant dans leur «verbiage heroïco-esthétique» qu’il moque ces clients «de la torture codifiée d’un animal privé de ses moyens, de la victoire sans gloire d’un bourreau fardé comme une pouffe».

    Et qu’on ne vienne pas lui rétorquer qu’il s’agit d’un «art». «L’art, c’est le triomphe de la vie, du rêve, du merveilleux (…). Le boucher sévillan, lui, est au service de la mort.» Ni, comme l’affirme un chroniqueur de Libération, en s’appuyant sur une étude absurde ici démontée, que le taureau ne ressent pas la douleur. «Quand Dieu a créé le monde (…) il a évidemment veillé à ce que le taureau, contrairement aux autres animaux de la création, ne ressente ni douleur ni souffrance afin que les Espagnols puissent, l’âme en paix, le torturer à plaisir», s’indigne l’écrivain.

    Pour descendre à son tour dans l’arène où l’attendent Cocteau, Hemingway, Roselyne Bachelot et autres fans de saignées publiques, Christian Laborde peut compter sur Gandhi, Zola, Trenet ou encore l’anarchiste Ernest Cœurderoy. Sur l’écrivain Milan Kundera aussi, qui écrit: «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci: les animaux. Et c’est ici que s’est produite la plus grande déroute de l’homme, débâcle fondamentale dont toutes les autres découlent.»

    A ceux qui le taxeraient de «sensiblerie», l’auteur oppose une philanthropie qui n’est pas réservée aux seuls humains. «Les tueurs de taureaux (…) ne sont rien d’autre que de sombres cartésiens», «des humanistes au pire sens du terme», constate-t-il.

    Mais c’est pour la fin que Christian Laborde réserve le meilleur ou plutôt le pire. En décrivant les tortures qui préludent – pas toujours, heureusement – à la mise à mort de l’animal. Yeux enduits de vaseline, injections en tout genre, pattes parfois aspergées d’essence de térébenthine, aiguilles cassées dans les testicules, «afeitado» (opération qui consiste à scier, à vif, les cornes du taureau), etc. Et tandis que l’animal agonise retentit cette question toujours valable d’Ernest Coeurderoy: «Dites si dans cette organisation bestiale, il peut y avoir autre chose que la soif du sang, une stupide vanité et des instincts féroces?"

    Le Temps-Lionel Chiuch-18 avril 2009

     


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