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    Je suis en train de finir le dernier bouquin de Patrick Declerck. Acheté mercredi de cette semaine, je me suis plongé dedans en sachant exactement ce que j'allais y trouver.

    Des valeurs communes, des ressentis identiques. Physiquement, on est complètement dissemblables mais à part ça...

    J'avais découvert Patrick Declerck lors de la sortie de son avant-dernier bouquin, 'Le sang nouveau est arrivé', en 2005. 
    Un pamphlet corrosif et sans concession sur le phénomène SDF, sur la mise en scène de cette misère structurelle, bonne conscience  mais salauds de pauvres, discours généreux mais mise au rebut.

    Depuis, Patrick Declerck a appris, à 50 balais, qu'il avait une tumeur au cerveau, inopérable.

    Il a fait de cette expérience un livre, 'Socrate dans la nuit', Editions Gallimard.

    Un truc comme ça, qui te précipite vers une fin prématurée, c'est pas du banal. Ce fut donc pour lui l'occasion de revisiter sa vie, de régler des comptes, de regarder avec lucidité et désespoir ce qu'il avait accompli ou négligé, d'interroger ses choix, ses relations amicales et amoureuses, sa réalité.

    Patrick Declerck ne fait pas dans la mièvrerie. Il y a de l'excès, de l'exagération, de la mauvaise foi, du radical, du dégoût, de l'outrancier, dans ce qu'il balance.

    Il est misanthrope, perpétuellement en colère contre la connerie du monde. Il ne peut pas blairer l'hypocrisie sociale, le bal des faux-culs, les résignés des cuisines à repeindre et des garages à aménager.

    Patrick Declerck est psychanalyste et philosophe. Il convoque, pour son bien et notre bien à tous, Nietzsche, Epicure, Shakespeare et Socrate bien sûr, sur le point d'avaler le poison, afin de se pencher sur le destin d'une existence et les illusions qu'elle trimballe.

    Patrick Declerck, enfin, donne à l'animal une place essentielle dans sa vie en sursis.

    Voici un extrait du bouquin :

    " Le chien. Elles sont innocentes les bêtes. Ce sont bien les seules d'ailleurs. Du coup, bien sûr, c'est toujours elles qui trinquent. Leurs pauvres échines...Elles savent pas...

    Anne, qu'est-ce qu'elle va lui raconter au chien, après...Quand je ne rentrerai pas. Quand il guettera pour rien mon pas dans l'escalier. Quand mon odeur, petit à petit, disparaîtra des choses. Quand mon armoire sera aux Emmaüs...Que Papa est parti mais qu'il est au ciel ?
    Au paradis même des chiens, des chiens aussi...
    Qu'il est plus là, mais qu'il est bienheureux Papa, là-haut....

    À bouffer sa gamelle comme un roi. Une gamelle qui ne se vide jamais. À se lécher les burnes à l'infini dans l'extatique contemplation de Celui Qui Suis, le supra super Saint-Bernard de toute mystique ?

    Qu'est-ce qu'elle va lui dire, Anne ? Et qu'est-ce qu'il va comprendre, le chien ?
    Je sais ce qu'il va comprendre...Rien du tout, il va comprendre.
    Alors, il va attendre et attendre...Un clebs, ça a toutes les patiences. Bien plus qu'un homme.Idée fixe...

    Et puis, à force, va lui venir l'informe évidence que je l'ai abandonné.

    Que j'en voulais plus.

    Moi qui l'ai tant aimé, que je ne l'aimais plus..."

     


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