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    Les colombes

    Sur le coteau, là-bas où sont les tombes,

    Un beau palmier, comme un panache vert,
    Dresse sa tête, où le soir les colombes
    Viennent nicher et se mettre à couvert.

    Mais le matin elles quittent les branches ;
    Comme un collier qui s’égrène, on les voit
    S’éparpiller dans l’air bleu, toutes blanches,
    Et se poser plus loin sur quelque toit.

    Mon âme est l’arbre où tous les soirs, comme elles,
    De blancs essaims de folles visions
    Tombent des cieux en palpitant des ailes,
    Pour s’envoler dès les premiers rayons.

    Théophile Gautier


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  • papillon
     
    Le papillon

    Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
    Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
    Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
    S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
    Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
    S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
    Voilà du papillon le destin enchanté!
    Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
    Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
    Retourne enfin au ciel chercher la volupté!

    Alphonse de Lamartine, Nouvelles méditations poétiques


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  • merle_noir_

    Le merle

    Un oiseau siffle dans les branches
    Et sautille, gai, plein d’espoir,
    Sur les herbes, de givre blanches,
    En bottes jaunes, en frac noir.

    C’est un merle, chanteur crédule,
    Ignorant du calendrier,
    Qui rêve soleil, et module
    L’hymne d’avril en février.

    Lustrant son aile qu’il essuie,
    L’oiseau persiste en sa chanson ;
    Malgré neige, brouillard et pluie,
    Il croit à la jeune saison.

    Il gronde l’aube paresseuse
    De rester au lit si longtemps ;
    Et, gourmandant la fleur frileuse,
    Met en demeure le printemps.

    A la nature il se confie,
    Car son instinct pressent la loi.
    Qui rit de ta philosophie,
    Beau merle, est moins sage que toi !

    Théophile Gautier


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  • image002

    J'aime l'araignée

    J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
    Parce qu’on les hait ;
    Et que rien n’exauce et que tout châtie
    Leur morne souhait ;

    Parce qu’elles sont maudites, chétives,
    Noirs êtres rampants ;
    Parce qu’elles sont les tristes captives
    De leur guet-apens ;

    Parce qu’elles sont prises dans leur oeuvre ;
    Ô sort ! fatals noeuds !
    Parce que l’ortie est une couleuvre,
    L’araignée un gueux ;

    Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,
    Parce qu’on les fuit,
    Parce qu’elles sont toutes deux victimes
    De la sombre nuit...

    Passants, faites grâce à la plante obscure,
    Au pauvre animal.
    Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
    Oh ! plaignez le mal !

    Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;
    Tout veut un baiser.
    Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
    De les écraser,

    Pour peu qu’on leur jette un oeil moins superbe,
    Tout bas, loin du jour,
    La vilaine bête et la mauvaise herbe
    Murmurent : Amour !

    Victor Hugo


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  • louise_michel

    Il m’arrive souvent, en remontant à l’origine de certaines choses, de trouver une forte sensation que j’éprouve encore telle à travers les années.

    Ainsi, la vue d’une oie décapitée qui marchait le cou sanglant et levé, raide avec la plaie rouge où la tête manquait ; une oie blanche, avec des gouttes de sang sur les plumes, marchant comme ivre tandis qu’à terre gisait la tête, les yeux fermés, jetée dans un coin, eut pour moi des conséquences multiples.

    J’étais sans doute bien petite, car Manette me tenait par la main pour traverser le vestibule comme pour faire un voyage.

    Il m’eût été impossible alors de raisonner cette impression, mais je la retrouve au fond de ma pitié pour les animaux, puis au fond de mon horreur pour la peine de mort.

    Quelques années après, on exécuta un parricide dans un village voisin ; à l’heure où il devait mourir, la sensation d’horreur que j’éprouvais pour le supplice de l’homme se mêlait au ressouvenir du supplice de l’oie.

    Un autre effet encore de cette impression d’enfant fut que jusqu’à l’âge de huit à dix ans, l’aspect de la viande me soulevait le coeur ; il fallu pour vaincre le dégoût une grande volonté et le raisonnement de ma grand’mère, que j’aurais de trop grandes émotions dans la vie, pour me laisser aller à cette singularité. 

    Louise Michel (1830-1905)


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